Les classes multi-niveaux et multi-âges : bonne ou mauvaise idée ?

La classe « à niveau unique », était courante dans notre système d’éducation. Ces dernières années les classes dites « multi-niveaux » ou « multi-âges » se sont beaucoup répandues, surtout en primaire. Des écoles maternelles, sous l’influence de Maria Montessori et, plus récemment, de Céline Alvarez, tentent un nouveau challenge : mélanger tous les niveaux de classe au sein de la même classe.

Pour les enseignants ces classes sont un véritable défi à relever. Pour les parents, elles peuvent représenter une source d’inquiétude. Pour les élèves, elles peuvent être une source d’appréhension.
Dans cet article, nous allons décrypter les classes multi-niveaux, multi-âges et explorer leurs avantages et inconvénients.

Les classes « multi-niveaux » ou « multi-âge », à quoi cela correspond ?

Ces expressions désignent des classes dans lesquelles les élèves de plusieurs niveaux sont regroupés au sein d’une même salle de classe et avec un enseignant commun.
Mais pourquoi des telles classes ? Ces classes sont créées lorsque les ressources humaines sont trop restreintes, quand les nombres d’élèves diminuent, surtout en zone rurale, pour des contraintes budgétaires mais aussi dans le cadre d’un projet pédagogique réfléchi et concret.

Les classes multi-âges courantes dans les écoles rurales

En primaire, l’organisation de l’école par classes de doubles niveaux est aujourd’hui rentrée dans les mœurs. En effet, en 2012, 45% des classes de 1er degré des écoles publiques étaient déjà en multi niveaux selon une enquête menée par DECIBEL sur demande du Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse.

Dans les écoles rurales, les classes multi niveaux sont aussi très courantes de par le nombre réduit d’élèves. En 2016, 76% des élèves scolarisés dans une classe multiniveaux étaient en zones rurales, contre 29% pour les élèves vivant en ville. Dans certains cas, un enseignant peut alors avoir ce que l’on appelle une « classe unique » regroupant des élèves du CP au CM2. Bien que devenues courantes, les classes à doubles niveaux suscitent encore des inquiétudes pour certains parents et enseignants.

Néanmoins, comme l’explique l’enseignant et formateur Pierre Cieutat dans un article sur le sujet, « les classes simples niveaux n’existent pas » (site fcpe). En effet, les enseignants doivent s’adapter au niveau de chacun de leurs élèves, en prenant en compte l’hétérogénéité du groupe.

Et si c’était la fin de l’école maternelle « classique » ?

L’heure est à la révolution dans l’organisation au sein des écoles maternelles. En effet, c’est maintenant au tour de la maternelle de se poser la question de la pertinence du cloisonnement par niveau sur 3 ans : petite section (PS), moyenne section (MS) et grande section (GS).
Cette organisation jusqu’alors privilégiée a été remise en question ces dernières années. En effet, de Céline Alvarez ont permis de mettre en perspective la valorisation de l’apprentissage au sein des classes multi-âges.
Ces deux cheffes de ligne de la pédagogie différenciée ont largement expliqué les bénéfices de brasser les élèves de différentes classes d’âge, notamment au sein des écoles maternelles. Allant plus loin que les organisations en doubles niveaux, elles prônent le fait de mélanger des élèves de toute l’école maternelle, de la petite section voire toute petite section à la grande section. Regardons de plus près les avantages et inconvénients de cette organisation en maternelle.

Des bénéfices pour les petits comme pour les plus grands

La commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2020 datant du 10 octobre 2019, rappelle « l’intérêt que présentent les classes multi-niveaux, particulièrement à l’école maternelle. » La rapporteure évoque le libre choix des écoles de mettre en place cette organisation pédagogique « dont les effets sur les apprentissages scolaires, cognitifs comme comportementaux, apparaissent très positifs ».

La diversité de l’âge des enfants permet d’éveiller l’intérêt et la curiosité des plus petits face aux activités réalisées par leurs aînés. Ces enfants de petite et moyenne section écoutent, regardent, apprennent en observant les plus grands effectuer diverses activités. Rapidement, ils vont acquérir un vocabulaire précis, lié aux compétences travaillées par les plus grands. Ces derniers vont pouvoir consolider leurs acquis en bénéficiant également de cette proximité avec les autres enfants de la classe lorsque des notions a priori déjà connues sont abordées.

Les classes multi-âges favorisent l’entraide au sein de la classe, développent l’altruisme des élèves.

Également, d’après les résultats de l’enquête DECIBEL réalisée en juin 2012 par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, l’apprentissage de l’autonomie est aussi accéléré dans ces classes.

Les aînés deviennent moteurs de la vie de la collectivité et prennent très au sérieux leur rôle vis-à-vis des plus jeunes. Cette organisation favorise le tutorat entre les élèves. Selon cette même enquête, « le tutorat permet au plus jeune de bénéficier de l’aide d’un plus âgé dans ses apprentissages et la vie à l’école. Le plus âgé développe dans le même temps, dans la nécessité qu’il a d’expliciter, d’étayer, d’accompagner, une compétence réflexive sur sa propre activité. » Les aînés se sentent ainsi valorisés par l’aide qu’ils peuvent apporter. Chacun trouve ainsi sa place dans cette micro société, au sein de la classe.

3 niveaux : des difficultés pour adapter la pédagogie et l’enseignement

Soutenu par le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse, cet engouement pour les classes multi-niveaux et multi-âges en maternelle, ne fait pas toujours l’unanimité au sein des équipes pédagogiques.

Dans les faits, l’obligation de ne pas dépasser un effectif de 24 élèves en grande section a pu freiner la mise en place de cette organisation au sein de certaines écoles maternelles.

De plus, des enseignants évoquent la difficulté d’adapter la pédagogie et les enseignements pour 3 niveaux dans la même classe. L’école inclusive induit que la différenciation fait aujourd’hui partie intégrante de la manière d’enseigner. Ajouter la gestion de 3 niveaux de classes représente un frein pour certains enseignants.

Du côté des parents, ces classes soulèvent encore des inquiétudes quant à l’apprentissage des niveaux les plus grands, ou à l’adaptation des plus petits dans un groupe très hétérogène.

Les classes multi-niveaux : entre challenge et opportunité

Classes multi-âges ou simple niveau, la décision est prise au sein même de chaque l’école, par l’équipe pédagogique. Les classes multi-âges présentent de nombreux avantages pour le développement de l’enfant en maternelle.
Adapter sa programmation et sa pédagogie à plusieurs classes d’âge peut être un frein à la mise en place des classes multi niveaux. Elles représentent donc à la fois un challenge et une opportunité. Il est important de faire le point en amont sur les besoins organisationnels dont l’enseignant a besoin (taille de la classe, fournitures scolaires, nombre d’élèves…) avant de mettre en place une classe multi-niveaux.

Passer le cap peut sembler compliqué mais les avantages pour les enfants semblent en valoir la peine !